Accueil 5 L'association 5 France/Japon : vivre dans la peur d’un kidnapping familial

Témoignage d’Abigaël Morlet

Pouvez-vous nous décrire la période liée à votre divorce au Japon ?
Après des années d’étude de la langue japonaise, je me suis mariée en 2005 avec un Japonais et suis restée à Tokyo afin d’y faire ma vie. J’étais totalement intégrée à la société japonaise, et nous avons eu deux enfants, en 2007 et 2009. Nos relations de couple ont cependant décliné ; prisonnière de cette relation, j’ai souhaité divorcer. Sur les conseils d’un avocat japonais, j’ai trouvé un appartement et un travail afin d’entamer les démarches pour la séparation. En effet, sans ces conditions préalables, les juges japonais n’auraient pas même pris en compte ma demande de divorce. La première juridiction m’a d’ailleurs refusé le divorce car le père n’était pas d’accord pour divorcer. Ce n’est qu’après une procédure complexe et coûteuse et un recours en cassation que le juge en cour d’appel a validé notre divorce. C’était du jamais vu et cela a créé une jurisprudence là-bas. Une femme qui divorçait sans l’accord de son mari et, qui plus est, une étrangère… J’ai eu l’autorité parentale et la garde exclusive des enfants, essentiellement parce que le père ne l’avait jamais demandée puisque sa stratégie était de refuser le divorce.

Comment avez-vous vécu la situation avec vos enfants ?
Mon mari avait subtilisé les passeports des enfants… Je n’ai donc pas quitté le sol japonais pendant presque 4 ans. Seule et étrangère, il ne fallait surtout pas montrer que c’était dur, au risque de perdre les enfants. L’ambassade de France ne m’a pas été d’une grande aide et ne m’a pas mise en contact avec d’autres parents, malheureusement. Ce qui m’a sauvée, c’est le fait de parler le japonais, d’avoir trouvé du travail et de toujours m’être occupée des enfants. Je suis retournée en France avec mes enfants, une fois la procédure finie, mais une menace pèse toujours sur nos vies…

Quels dangers courez-vous aujourd’hui ?
Mon ex-mari, ne pouvant pas aller à La Haye, a contesté le jugement japonais en France, afin d’avoir l’autorité parentale conjointe, assortie de droits de visite lui permettant de les prendre en vacances au Japon. La juge française lui a donné raison, en ignorant le fait qu’un retour au Japon des enfants avec le père les condamnerait à perdre tout contact avec moi pour toujours. Il a fallu que j’apporte les preuves du danger d’un retour au Japon et de la volonté du père de les couper de moi. J’ai remué ciel et terre en contactant des parents concernés qui avaient déjà perdu leurs enfants ou qui risquaient de les perdre et c’est à ce moment-là que nous avons créé ce collectif avec Paul-Georges Touja « Sauvons nos enfants – Japon ». Nous nous étions rendu compte que nous étions loin d’être les seuls… Mais les juges français n’ont rien entendu, prétextant que la convention de La Haye me permettrait de récupérer les enfants en cas de non retour, ce qui est faux dans le cas du Japon.

Quelles seraient les solutions afin d’éviter un enlèvement des enfants vers le Japon ?
Il y a un risque réel que leur père ne les renvoie pas en France car il sait que la police japonaise n’applique aucune ordonnance de retour. Un ressortissant japonais ne risque rien à enfreindre les lois, contrairement à moi qui risque le pénal si jamais je ne suis pas un jugement français. Il faut absolument que les juridictions françaises soient informées par le ministère de la Justice ou celui des Affaires étrangères des dangers qui pèsent sur nos enfants franco-japonais. Les procédures d’interdiction permanente de sortie du territoire auprès du Juge aux affaires familiales doivent être facilitées : nous menons une action préventive, seuls, et nous ne nous sentons pas protégés par la France. Un conseil à donner aux parents concernés : quoi qu’il arrive, ne jamais s’éloigner et se séparer de vos enfants ! Nous ne nous battons pas à armes égales.

Propos recueillis par Gaëlle Barré
membre du bureau national de l’association

https://www.facebook.com/ sauvonsnosenfants.japon

 à lire aussi