Accueil 5 L'association 5 Prise en charge des frais de scolarité pour les enfants français à l’étranger : un rapport parlementaire biaisé

Annoncé pour l’été, puis pour la rentrée, ensuite pour le mois d’octobre… le rapport de la députée Geneviève Colot (UMP) et de la sénatrice Sophie Joissains (UMP) sur la prise en charge des frais de scolarité des Français de l’étranger (PEC) a finalement été remis au président de la République le 3 novembre. Résultat, une vingtaine de pages qu’il semble avoir été difficile de mettre en cohérence avec les désidératas présidentiels.

La prise en charge des frais de scolarité, issue d’une promesse de campagne du Président Sarkozy, permet à l’Etat de prendre en charge la scolarité payante des enfants français dans le réseau d’enseignement français à l’étranger, avec un moratoire qui la limite aux classes de seconde, première et terminale.

Alors que les besoins des familles boursières augmentent, Français du Monde-ADFE considère que ce rapport, dont les conclusions semblent avoir été préalablement dictées, ne fait que conforter une mesure inéquitable et proposer des ajustements qui ne répondent pas aux problèmes réels.

Les « constats » du rapport sont de deux ordres. Il s’agit en premier lieu d’ « une mesure appréciée et attendue des familles ». Inutile de préciser que ce type d’assertion ne peut reposer sur aucune preuve, aucune démonstration. Ensuite, les parlementaires UMP évoquent « un budget maîtrisé qui ne doit pas être remis en cause par le dérapage des bourses ». Les bourses et la prise en charge des frais de scolarité (PEC) appartiennent il est vrai à la même enveloppe budgétaire, celle des aides à la scolarité. Il est vrai aussi que les besoins en bourses augmentent, du fait notamment de la crise économique mais aussi de la hausse des frais de scolarité dans les établissements français à l’étranger, qui résulte elle-même des charges salariales et immobilières supplémentaires  imposées par l’Etat à l’AEFE mais non financées… donc payées par  les établissements et donc… par les familles. Il ne s’agit en aucun cas d’un « dérapage », qui sous-entend une utilisation abusive des crédits pour les bourses destinées aux familles les plus modestes.

Autre constat des parlementaires UMP, la PEC coûte moins cher que les bourses. C’est vrai bien sûr : 29,5 millions d’euros pour 6 000 bénéficiaires de la PEC, contre 71,62 millions pour 20 000 boursiers. Mais le coût par élève n’est pas le même. Et surtout, comme le soulignent avec candeur les rapporteurs, « la philosophie [de la PEC] est très différente du système boursier » : il s’agit dans un cas de distribuer sans compter à trois classes seulement et dans l’autre d’aider des familles modestes dans tous les niveaux scolaires.

Les propositions du rapport

Les parlementaires UMP reconnaissent tout de même dans leur rapport que la mise en place de la PEC « nécessite des corrections » et font donc des propositions pour l’aménager et – pensent-elles – éviter les 7 millions d’euro de déficit prévisionnel pour le dispositif en 2011.

  • Le plafonnement des frais de scolarité à leur niveau 2007-2008, indexé à 3% d’inflation.

Le risque est évident, avec l’apparition d’un delta croissant entre le coût de la scolarité et la PEC, encore plus dans les pays où l’inflation sévit. Ou comment transformer la PEC en une bourse sans critères sociaux, avec un « reste à charge » pour les familles…

  • La séparation des lignes de crédit destinées à la PEC et aux bourses sur critères sociaux, pour faire en sorte qu’il soit impossible de  payer des bourses grâce à des crédits destinés à la seule PEC.

Cela n’a été le cas que de façon résiduelle, pendant la « montée en charge » du dispositif. Il n’est ni juste ni honnête de laisser croire que les bourses grèvent le budget de la PEC alors que c’est l’inverse qui risque de se produire.

  • Le prolongement du moratoire sur l’extension de la PEC.

Imposé par la rigueur budgétaire actuelle, le moratoire vide la mesure de tout sens, en la limitant à trois classes.

  • Accroître la contribution des entreprises au financement de l’AEFE avec une modalité principale, le mécénat.

C’est partir du principe que le financement de l’AEFE va devenir un problème, ce que le rapport s’efforce par moments de cacher.

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Qu’est-ce que la prise en charge (PEC) ?

La scolarité dans les établissements français à l’étranger (réseau AEFE, www.aefe.org) est payante et souvent chère. Depuis de nombreuses années, un système de bourses permet d’aider les familles françaises qui en ont le plus besoin à scolariser leurs enfants dans le système français.

Mise en place pour la terminale en 2007, la première en 2008 et la terminale en 2009, la PEC est une promesse électorale du président de la République qui a été lancée sans aucune étude préalable. Elle consiste à faire prendre en charge par l’Etat, via le ministère des Affaires étrangères, les frais de scolarité. Il ne s’agit donc pas d’une gratuité à proprement parler, mais d’une dépense de l’Etat qui se substitue aux familles. La PEC fait l’objet d’un moratoire : il n’est pas prévu pour l’instant de l’appliquer à d’autres classes.

Pourquoi l’association Français du Monde-ADFE est-elle contre cette prise en charge ?

Dans le contexte budgétaire actuel, impossible d’ « offrir » les frais de scolarité à tous les élèves du CP à la terminale. Le statu quo n’est pas plus acceptable : pourquoi payer pour prendre en charge la scolarité des secondes, premières et terminales, quelle que soit la situation de leurs parents et laisser les familles des élèves du CP à la troisième payer avec, pour certaines seulement, une bourse ?

Ce que propose Français du Monde-ADFE, c’est d’utiliser le budget alloué à la PEC pour mettre en place une politique de bourses plus généreuse pour les enfants français vivant à l’étranger. Plutôt que d’utiliser des millions d’euros pour « offrir » des frais de scolarité aux élèves de trois classes, sans aucun critère social ni financier, il s’agirait d’une utilisation plus juste du budget d’aide à la scolarité, selon les besoins des familles, à commencer par les plus modestes.

Pour télécharger le communiqué de Français du Monde-ADFE, cliquez ici.

Pour télécharger le rapport intégral, cliquez ici.

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