Accueil 5 Solidarité 5 [Téléthon des Français de l’étranger] Interview de Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon

Français du monde-adfe est partenaire du 1er Téléthon des Français de l’étranger. A quelques jours de l’événement, Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon depuis 2005, nous explique comment les recherches menées pour les maladies rares ont des retombées considérables pour le traitement de certaines maladies fréquentes. Renseignez-vous pour savoir si un événement Téléthon est prévu près de chez vous en nous laissant un commentaire. Vous pouvez aussi faire un don en cliquant ici.

 

Vous dîtes avec humour que vous êtes le plus grand dépensier de l’AFM-Téléthon. Quel budget l’association consacre-t-elle chaque année à la recherche ?

Environ 60 millions d’euros.

 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les recherches que vous menez ne portent pas que sur les myopathies mais sur les maladies rares… Or il en existe plusieurs milliers. Quelles sont vos priorités de recherche ?

Elles sont définies par le caractère innovant des stratégies thérapeutiques proposées, la capacité de généraliser ces thérapeutiques à d’autres pathologies, l’intérêt médical pour la maladie considérée. D’une manière générale, nous soutenons les thérapies géniques, cellulaires et pharmacologiques appliquées aux maladies neuromusculaires et principalement les thérapies géniques et cellulaires pour les maladies rares non neuromusculaires. La pharmacologie classique est très développée dans l’industrie pharmaceutique, c’est pourquoi nous la réservons plus spécifiquement aux maladies neuromusculaires particulièrement délaissées par l’industrie. Bien entendu, les projets de recherche doivent en tout état de cause répondre à des critères de qualité scientifique qui sont évalués par un conseil scientifique indépendant.

 

 Quelles sont les retombées scientifiques des recherches que vous menez (applications hors maladies rares) ?

Grâce aux cartes du génome, la connaissance des gènes responsables des maladies rares a fait des progrès exponentiels depuis 1992. On connait aujourd’hui plus de la moitié des gènes responsables des 7000 maladies rares connues. Il fallait auparavant 10 ans pour identifier un gène en cause pour chaque maladie. La connaissance des gènes offre des informations fondamentales sur notre biologie et le fonctionnement de notre organisme. C’est aussi la possibilité d’offrir un diagnostic et un conseil génétique aux familles. C’est souvent aussi le point de départ pour l’élucidation de mécanismes physiopathologiques de beaucoup de maladies rares mais qui possèdent également des aspects communs avec des mécanismes en jeu dans bien des maladies fréquentes. Aujourd’hui certaines maladies neuromusculaires, génétiques ou auto-immunes, sont traitées avec succès par des médicaments pharmacologiques. Pour d’autres maladies, si le traitement n’est pas curatif il permet de gagner en espérance de vie. Pour d’autres maladies très graves, les thérapies géniques et cellulaires sont au stade des essais thérapeutiques chez l’homme. Ces thérapies innovantes sont également évaluées dans des maladies rares touchant d’autres organes. Ainsi une centaine d’enfants-bulles (concernés par des immunodéficiences génétiques mortelles) dans le monde sont considérés comme guéris après une thérapie génique de cellules de leur moelle osseuse. Cette même thérapeutique est également développée pour une maladie du cerveau, l’adrénoleucodystrophie. D’autres thérapies géniques par administration directe dans les organes malades montrent de belles efficacités (maladies génétique de la vision, de la peau,…). D’autres essais sont en cours ou en préparation pour des maladies du foie, de l’insuffisance cardiaque, du cerveau.

Ces preuves de concept ouvrent la voie au traitement de maladies fréquentes : les mêmes outils thérapeutiques qui fonctionnent dans les maladies génétiques de l’œil sont applicables pour des maladies fréquentes de la vision telle que la dégénérescence liée à l’âge. La thérapie pharmacologique de la Progeria, une maladie très rare caractérisée par un vieillissement accéléré est applicable au cancer et au sida car on observe un mécanisme tout-à-fait équivalent lié aux effets secondaires des chimiothérapies anti-cancéreuses et anti-sida. La Progeria a permis d’élucider un des mécanismes du vieillissement de chacun d’entre nous et le traitement anti-progeria pourrait donc permettre de freiner notre propre vieillissement. Les exemples sont très nombreux de passerelles entre maladies rares et maladies fréquentes.

 

Propos recueillis par Mélina Frangiadakis

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