Accueil 5 L'association 5 Enfants transfrontières : comment les aider à se construire ?

Tout enfant a besoin de s’identifier pour se construire. Les métis créent une sorte de « race » à part reconnaissable partout dans le monde : un sino-sénégalais sera plus proche d’un franco-bengladais que d’un chinois ou d’un sénégalais ; question d’expériences communes.

Encore que les ségrégations par dégradés de couleurs dans les cours d’écoles interpellent ! A l’adolescence, quand «il faut» être comme les copains, malgré des différences évidentes, certains se cachent, se replient sur eux-mêmes, d’autres s’affirment jusqu’à la provocation.

Souvent, l’enfant transfrontières fréquente une école internationale, mais s’il fréquente une école « ordinaire », quel trouble ! Ses savoirs étonnent, ses ignorances provoquent la risée.

Encore faut-il être inscrit dans une école : il est des pays où l’existence de l’enfant métis est niée si les parents ne sont pas mariés. Or tout enfant n’est pas le fruit d’un couple durable. Le divorce, encore plus fréquent pour les couples mixtes, peut laisser des enfants déchirés entre plusieurs continents, qui craignent que leur «bizarrerie» soit la cause de «l’abandon».

Lorsque le système scolaire est plus performant dans l’un des pays d’origine, l’enfant fréquente l’école primaire près de sa mère, puis est propulsé au bout du monde, en famille ou en pension, coupé des référents affectifs et culturels de son enfance, afin de lui assurer une bonne éducation. Même s’il y a eu réelle communication avant le départ, certains dépriment et se fanent. Les plus résilients font des études brillantes puisqu’ils n’ont rien d’autre à vivre. Les nouveaux éducateurs s’étonnent souvent que l’enfant n’aie pas leur culture, leurs habitudes, et tentent un « rattrapage » d’urgence qui augmente le niveau de stress de l’enfant. Certes, la politesse d’ici peut être la grossièreté d’ailleurs. Mais lorsqu’une culture libérale rencontre une culture stricte, les dommages sont prévisibles. Dans l’autre sens une ouverture, une floraison, peuvent advenir.

Interroger un adulte qui a choisi son métissage l’aide à réaffirmer ses choix. Questionner un enfant sur ses origines le trouble, interroge sa légitimité ici et maintenant. Toujours « hors-norme » et sujet de curiosité. Il pourra fatiguer d’avoir à raconter comment et pourquoi ses parents ont pu se rencontrer, souffrir d’être le témoin d’autrui plutôt qu’être lui-même. Un préjugé serait d’imaginer tout multiculturel à l’aise dans cette situation, tolérant, ouvert d’esprit, et surtout voyageur. Certes, aux questions telles que : « Où sont tes racines ? Quel pays, quelle culture, sont tiens ? ». La réponse réconfortante est « je suis citoyen du monde ». Mais qui campe dans le trop vaste peut s’y perdre. Risque restreint… car nombre de pays refusent la double nationalité et transforment leurs enfants en étrangers !

Avant de produire avec enthousiasme des enfants métis ou transfrontières, je me permets de conseiller de beaucoup communiquer, de prévoir le type d’éducation physique, morale, scolaire, spirituelle, qui sera donnée. Mieux vaut beaucoup de palabres, même toniques, dans la relation d’adultes qui s’aiment, qu’une grande douleur chez l’enfant.

Finalement, cet enfant n’aura pas deux cultures, il en aura une, aussi métisse que lui, créée au fil des expériences. Plus tard, il fera sa vie dans l’un ou l’autre pays d’origine, ou, plus souvent, dans un troisième pays où il se vivra étranger sans en souffrir.

Etre soi, sans comparaison, sans questions inutiles, sans obligation d’expliquer, est la seule solution face au trouble d’autrui. Facile à dire… pas toujours facile à vivre !

Oui, il y a ceux qui vont bien, qui ont trouvé leurs propres solutions. Mais aucune recette n’est universelle, chacun doit inventer la sienne en fonction des éléments à sa portée.

Il faut oser lui dire « oui, tu es différent », comme on doit dire « oui, tu es adopté », ouvrir un dialogue sans « oui mais », accueillir ses joies, ses doutes, ses révoltes, accepter de ne pas toujours savoir quoi faire afin de chercher ensemble. Surtout, aidons l’enfant à trouver le point d’humour des situations vécues. Le rire remet bien des difficultés à leur juste place.

Martine Quentric-Séguy

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