Accueil 5 L'association 5 Vivre son métissage

Etre « métis » n’est pas qu’une histoire d’ethnie, de couleur. Sont certes « métis » ceux que deux mondes ont esthétiquement panachés ; mais aussi ceux qui ont grandi dans deux cultures au moins, qui parlent « naturellement » plusieurs langues, qui vivent et construisent leurs souvenirs sur plusieurs pays, voire plusieurs continents, ceux qui se sentent autant citoyens d’un lieu que de l’autre, au point de se sentir « citoyens du monde », mais que les gens d’ici ou de là qualifient trop souvent d’ « étrangers »… Vous vous reconnaissez ?

Normal : Dans l’univers des « Français du Monde » nous sommes nombreux !

C’est une richesse formidable de pouvoir vivre et penser dans plusieurs langues, selon plusieurs systèmes culturels qui, du coup, se relativisent l’un l’autre, de voyager et risquer nos cultures au contact de celles d’autrui, de relire nos racines avec un regard neuf, modifié par les rencontres. Mais c’est terrible d’être partout tenu pour l’étranger, le bizarre, celui qu’on ne saurait faire entrer dans un moule car il en connaît plusieurs ; celui qui dérange car il peut et ose choisir sa voie.

Nous sommes ceux qu’on interroge sur « ailleurs » dans les soirées non sans penser : « il fait son intéressant ! », ceux auxquels on dit trop souvent, là même où nous sommes nés, où nous avons grandi : « oui, mais toi tu ne peux pas comprendre : tu n’es pas d’ici !», ceux auxquels on ne cesse d’expliquer leurs propres cultures…

Que faire ?

Nous n’effacerons ni de nos mémoires ni de nos cœurs ce que nous avons vécu, ce que nous sommes. Alors… transformons tout, difficultés comme trésors, en force !

Les avantages de notre métissage ? Le droit à la différence, l’ouverture d’esprit et la capacité à voir la vie sous des angles différents, une bonne résistance aux interdits non motivés, une facilité à rencontrer autrui, le monde, et l’habitude d’avancer malgré nos peurs…

Les rejets, les racismes, les dénis d’appartenance, l’étonnement qu’on nous oppose, sont aussi de formidables propositions : en situation de déséquilibre, voire de chaos, nous ne pouvons vivre aucun « train-train » intellectuel, culturel ou affectif. Nous sommes constamment testés, mis à l’épreuve, contraints à nous remettre en question et à trouver des réponses ici et maintenant, inspirées d’ailleurs ou totalement neuves. Nous sommes tenus de rester dynamiques, alertes, et… modestes, car l’innovation réussie peut être glorieuse, mais son échec renforce la méfiance des sédentaires uniculturels qui constituent la majorité de l’humanité.

Dans mon cadre professionnel, je rencontre souvent des époux binationaux, des enfants métis, des expatriés qui souffrent et ne parviennent pas à s’adapter. Certains espéraient que l’amour effacerait tous les obstacles, d’autres ne comprennent pas pourquoi une telle « chose » leur est imposée, d’autres encore découvrent qu’ils sont partis très loin pour retrouver au fond des valises les embarras qu’ils avaient fuis…

Si vous vivez l’angoisse d’être l’objet du racisme, le sentiment d’être perdu dans un monde autre, la perte de vos repères, de vos forces et de vos liens, je crois nécessaire que vous sachiez que vous n’êtes pas seuls et que l’épreuve, aussi dure soit-elle, peut devenir un magnifique chemin de maturité, à condition que vous osiez la regarder en face et vous faire aider.

Dans les moments de doute, voire de souffrance, n’oublions jamais que « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts !* ».

Martine Quentric-Séguy,
Psychothérapeute au Centre Médico-social de Yaoundé, Cameroun


* Nietzsche

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